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Le Pinceau et la Plume - La fille qui dansait nue sur la fontaine










La fille qui dansait nue sur la fontaine

Une fille nue danse sur les eaux calmes
D'une fontaine
Elle danse comme un cygne magique
Chantant son cri d'espoir
En un dernier sanglot qui monte de son âme :

"Ne meurs pas,
Ne t'en vas pas
Fragile innocence de mon enfance
Toi qui m'avait montré les premiers pas
Souviens-toi !
Je t'ai cueillie bébé
Dans le berceau des muses
Enfant sauvage
Au regard triste et fier
Souviens-toi !

Tu l'as recueillie dans ton sein
Tu lui as fait un nid tout au creux de ton coeur
Et tu as réchauffé son corps glacé
Alors, elle s'est endormie
Pour la première fois
Elle a dormi longtemps, bien longtemps
Aussi longtemps que la terre existe
Et tu as façonné ses rêves à ton image :
Imposante, éclatante beauté
Déité froide et sans amour
Et lorsqu'elle s'est réveillée
Elle a senti à nouveau la solitude
Peser contre son flanc
Maintenant, elle danse seule
Dans sa prison d'éther ...

Oh ! J'ai besoin de ton souffle
Pour vivre !
De ta main pour me soutenir
De ton coeur pour guérir mon coeur
Et de ton corps pour me finir !
Mais elle est là
Elle est là
Mon enfance chérie
Ma douce et tendre enfance
Qui exhale son violent parfum
D'orgueil et de fierté :

LAISSE-MOI !
Que je m'élance dans les airs
Heureuse et libre
Comme la reine des abeilles !
Sais-tu quel sort attend
Ceux qui essaient de la poursuivre ?
Comme Icare
Ils retombent à terre
Les aîles brûlées
Par l'objet qu'ils voulaient atteindre
La violence de leur désir
A causé la violence de leur chute

OH VIVRE ! VIVRE !
C'est sa seule loi
Sculptée en lettres d'or
Dans la bible des temps
Et l'amour qu'elle prêche
N'est pas l'amour qu'elle peut
- Du moins avec celui qu'elle aime -

NE ME TOUCHE PAS !
Je veux rester vierge innocente et pure
Tout en me serrant contre toi
Enfiler comme dans une aiguille
Les perles noires de tes yeux
Et boire à l'infini
Le parfum de l'ivresse
Jeter une larme s'il le faut
Sur le sort d'Eve
Et de son compagnon
Chassés du vert paradis
Pour avoir mordu au fruit défendu

Ah ! si la pureté
Comme le Phoenix
Pouvait renaître de ses cendres
A l'heure où elle sent
Sa fin prochaine !
J'aurais goûté plus tôt
La saveur de déchoir
Mais la gardienne de mes années
A su tisser une solide trame et
S'est moquée de moi :
A l'intérieur de ma prison
Je suis grande et libre
Mais à peine j'esquisse
Un pas vers la rive
Que son filet s'abat sur moi."

Ainsi chantait l'étrange fille
Qui dansait
Nue
Sur les eaux calmes
D'une fontaîne ...

Et le silence froid lui répondit.

Calsior, poème de jeunesse, 1983


Poème de Calsior
© Le Pinceau et la Plume

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